par Jean-Christophe Debar, directeur de la fondation FARM
Productivité totale des facteurs (PTF) : derrière ce jargon se cache l’un des concepts économiques les plus fondamentaux. La croissance de la PTF est en effet le principal indicateur de l’efficacité du système productif, car elle mesure l’augmentation de la production obtenue par unité de facteur (terre, travail, capital). Pour bien en mesurer la portée, il faut partir du fait que la hausse de la production agricole, dans un pays, peut provenir d’une extension des surfaces exploitées ou d’une progression du produit brut par hectare. Cette dernière résulte elle-même soit de l’augmentation de la quantité de travail, d’intrants ou d’équipements utilisée par hectare, soit du progrès technique ou de la plus grande efficience avec laquelle ces facteurs sont employés – c’est-à-dire de la PTF. La croissance de la PTF est donc ce qui explique l’augmentation de la production agricole après qu’on a tenu compte de la variation du volume de facteurs de production utilisés. Ses déterminants sont nombreux et variés : amélioration de la qualité des intrants, formation des agriculteurs, innovations organisationnelles, etc.
De l’évolution de la productivité totale des facteurs dépend la capacité du système productif à accroître le revenu des agriculteurs tout en réduisant le prix des aliments pour les consommateurs. En outre, la croissance de la PTF est un signal positif pour la protection de l’environnement, car elle assure que les ressources ne sont pas gaspillées.
Il est donc édifiant de découvrir, à la lumière de statistiques récemment publiées par le département américain de l’Agriculture, qu’en Afrique subsaharienne, hors Afrique du Sud, la productivité totale des facteurs dans l’agriculture est restée pratiquement stagnante ces dernières années. Sur la période 2011-15, elle n’a crû en effet que de 0,08 % par an, ce qui marque un fort ralentissement par rapport à la période 2000-04 (1,14 %). Or c’est dans cette région que les besoins alimentaires vont le plus augmenter dans les prochaines décennies, en raison du doublement de la population, de l’expansion des classes moyennes et de la rapidité de l’urbanisation. Les pays à revenu intermédiaire et les pays à revenu élevé enregistrent, quant à eux, une croissance de la PTF beaucoup plus soutenue.
Ces résultats ont des implications fortes pour les politiques publiques. La croissance de la productivité agricole est en effet fortement influencée par les investissements dans la recherche et le développement, la vulgarisation et la formation agricoles, ainsi que dans la construction d’infrastructures (énergie, routes, périmètres irrigués…), domaines dans lesquels les Etats jouent un rôle majeur. Gouvernements africains, à vous de jouer !