05/12/2017
Changement climatique: l'agriculture victime, coupable...et solution

Changement climatique : l’agriculture victime, coupable… et solution

Jean-Christophe Debar, directeur de la fondation FARM

Pluie, grêle, sécheresse… : l’agriculture est l’une des activités les plus exposées aux caprices de la météo. Mais la relation qu’elle entretient avec le changement climatique, c’est-à-dire le réchauffement de l’atmosphère et le bouleversement du régime des précipitations dus aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES), est complexe. Si la culture et l’élevage sont victimes de la modification du climat, ils y contribuent également et offrent des solutions pour y remédier.

Selon les experts qui sont intervenus au Congrès de la CICA, à Québec, les événements extrêmes comme la grande sécheresse qui frappe actuellement l’Afrique de l’Est, les inondations ou les cyclones devraient se produire plus fréquemment dans l’avenir. A vrai dire, le changement climatique est déjà à l’œuvre : il explique, pour une bonne part, la stagnation des rendements du blé observée en France. Sur tous les continents, il risque d’entraîner une baisse de productivité de la plupart des cultures et, pour certaines d’entre elles, comme le caféier et la vigne, un déplacement de leur zone de production. Des pays comme le Canada pourraient toutefois bénéficier de la hausse des températures et étendre leur surface cultivée.     

L’agriculture est aussi partiellement responsable du dérèglement climatique, car elle contribue pour 15 % aux émissions globales de GES. Encore ce chiffre inclut-il seulement les rejets de méthane par le bétail et les rizières, ainsi que le dégagement de protoxyde d’azote par les sols fertilisés et les effluents d’élevage. Il atteint environ 25 % si l’on prend en compte la déforestation, souvent pratiquée pour implanter des cultures. Et il augmente encore si l’on raisonne à l’échelle des filières agro-alimentaires, en intégrant les quantités de gaz carbonique émises lors de la fabrication des intrants, la consommation de carburant par les équipements agricoles, ainsi que la transformation, le transport et la distribution des denrées.

L’agriculture doit donc à la fois s’adapter aux modifications du climat et transformer ses pratiques pour rejeter moins de GES. Si certains leviers d’action sont spécifiques à l’adaptation au changement climatique (comme la sélection de variétés résistantes à la sécheresse) ou à son atténuation (comme l’agriculture de précision, qui permet de réduire les applications d’intrants), il est intéressant de constater que les systèmes de production qui visent à augmenter le taux de matière organique dans le sol, par exemple en supprimant le labour ou en associant plus étroitement les cultures et l’élevage, remplissent simultanément ces deux objectifs. Une augmentation du stock de carbone dans les terres agricoles permet en effet d’accroître leur fertilité et leur capacité de rétention d’eau, tout en ralentissant la concentration, dans l’atmosphère, du gaz carbonique provenant des activités humaines. C’est l’un des messages clés du Congrès : grâce à la recherche et l’innovation, l’agriculture peut fournir des solutions contre le dérèglement climatique en adaptant son modèle productif, tout en garantissant la sécurité alimentaire, à condition d’être accompagnée par les banques, les compagnies d’assurance et des politiques publiques incitatives.