Jean-Christophe Debar, directeur de la fondation FARM
En théorie, tout est parfait. L’agriculteur qui achète une assurance climatique sécurise ainsi son revenu en cas de perte de rendement due par exemple à une sécheresse ou une inondation. Il est également incité à investir sur son exploitation pour augmenter sa production, d’autant plus qu’il obtient plus facilement un crédit bancaire. Avec ces atouts, les assurances climatiques devraient être souscrites en masse. Mais dans beaucoup de pays, en particulier en Afrique, la réalité est bien différente.
Dans la pratique, en effet, la commercialisation des polices d’assurance agricole se heurte à plusieurs obstacles : méconnaissance des mécanismes assuranciels par les agriculteurs, manque de confiance dans les assureurs, dysfonctionnement de certaines assurances indicielles, montant élevé des primes…. Les subventions de primes versées dans certains pays, ou encore la vente des assurances par l’intermédiaire des coopératives ou des distributeurs d’intrants, permettent de réduire les coûts, mais ne résolvent qu’une partie des problèmes.
Une voie prometteuse est celle de l’agriculture contractuelle. Les entreprises de transformation qui passent un contrat avec des producteurs pour l’achat de leur récolte sont souvent confrontées à un non-respect des engagements de livraison. Lorsque les cours montent, certains agriculteurs n’hésitent pas à vendre au plus offrant, mettant l’entreprise en situation de ne pas pouvoir honorer ses propres engagements avec les acheteurs d’aval. Pour fidéliser les agriculteurs, les transformateurs leur proposent généralement une palette de services – fourniture d’intrants, conseil technique, formation… - qui peut inclure une assurance climatique. C’est ce que fait la Société de développement des fibres textiles (SODEFITEX) vis-à-vis des producteurs de coton sénégalais, comme l’a exposé Malick Ndiaye, directeur général de la Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal (CNCAS), lors du dernier congrès de la CICA à Berne.
Le couplage de l’assurance climatique à la contractualisation offre de multiples avantages. Pour les entreprises, qui ont la garantie que les producteurs pourront, même en cas d’aléa, rembourser les intrants mis à leur disposition. Pour les agriculteurs, qui n’ont pas à avancer le montant de la prime d’assurance, car celle-ci est généralement préfinancée (et parfois même subventionnée) par l’entreprise. Pour les assureurs, enfin, qui accroissent considérablement leur clientèle tout en minimisant leurs coûts de transaction. Ainsi s’enclenche un cercle vertueux. Fortes du succès obtenu avec l’assurance climatique, certaines entreprises, comme la société cotonnière NWK en Zambie, ont étendu le dispositif à l’assurance vie.