02/06/2020
L'agriculture et la COVID

L’agriculture et la Covid-19 : (1) Les causes et les impacts de la crise

Jean-Christophe Debar*

Partout dans le monde, les filières agricoles ont été touchées de plein fouet par la pandémie de Covid-19. Mais la crise a été si rapide et violente que l’on peine parfois à distinguer la multiplicité de ses canaux de transmission et leur enchevêtrement. Il est donc utile de prendre un peu de recul et de se poser les questions suivantes : que s’est-il passé exactement ? quels sont les impacts de cette crise sur l’agriculture et l’alimentation ? Deux constats se dégagent. D’une part, toutes les régions sont affectées, même si la situation varie fortement selon les pays - et, au sein de chaque pays, entre les différents secteurs de production agricoles -, en fonction de l’ampleur de la pandémie et des caractéristiques propres de leur système alimentaire. D’autre part, la crise sanitaire s’accompagne d’une montée de l’insécurité alimentaire, y compris dans les pays à haut revenu, à des niveaux très préoccupants. A tel point que la Covid-19 pourrait faire plus de victimes à cause de la faim et la malnutrition que du fait du virus.      

Un double choc

L’agriculture a subi un double choc, concernant à la fois la demande et l’offre de nourriture. La demande solvable a diminué en raison du fort ralentissement de l’activité lié au confinement des personnes et des pertes d’emploi massives qui s’en sont suivies. La récession en cours est la plus brutale qui soit survenue depuis la Grande Dépression des années 1930 : en avril dernier, le Fonds monétaire international anticipait pour 2020 une baisse du produit intérieur brut de 3 % globalement, avec une chute de 6,1 % en moyenne dans les économies avancées et de 1 % dans les pays émergents et en développement. L’Afrique subsaharienne est particulièrement atteinte, avec un recul prévu de 1,6 % (3,4 % au Nigeria, pays africain le plus peuplé et gros exportateur de pétrole), alors qu’elle était sur un trend de croissance historique de 3 à 4 % par an.   

La plupart des pays les moins avancés ont souffert, en outre, d’une dépréciation de leur monnaie, qui a renchéri le coût des denrées importées. Dans les pays riches, la baisse de la demande alimentaire a résulté principalement de l’effondrement de la consommation hors foyer, suite à la fermeture des cantines scolaires et des restaurants. Enfin, les restrictions de déplacement ont réduit l’utilisation de biocarburants, ce qui a pesé sur la demande de maïs et de betteraves (pour le bioéthanol), ainsi que sur celle de soja et de colza (pour le bio-gazole).   

Le choc d’offre, quant à lui, s’est fait sentir sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Faute de main d’œuvre, beaucoup de fruits et légumes, n’ont pu être récoltés, des milliers de têtes de bétail n’ont pu être abattus, des tonnes de nourriture n’ont pu être acheminées à temps jusqu’aux zones de consommation et ont pourri en bord de champ ou dans des hangars. Les problèmes logistiques ont perturbé également la distribution de semences, d’engrais ou de produits de traitement : c’est l’une des raisons du retard pris en Afrique de l’Est pour lutter contre les invasions de criquets. A ces facteurs se sont ajoutées les mesures de restriction des exportations de produits alimentaires prises par certains pays, par exemple la Russie et le Kazakhstan sur le blé et le Vietnam sur le riz. Fin avril 2020, une quinzaine de pays limitaient ainsi leurs ventes de denrées à l’étranger, au détriment des pays importateurs.    

L’interaction des chocs de demande et d’offre a eu des effets contrastés sur l’évolution des prix au sein des filières. Dans la plupart des pays, les prix alimentaires au détail ont plutôt augmenté, alors que ceux payés aux agriculteurs ont baissé, provoquant un déclin substantiel de leurs revenus. Cette dissymétrie peut être imputée notamment à la contraction des capacités de transformation, liée au manque de main d’œuvre, qui a nui tout particulièrement aux éleveurs et aux producteurs de lait. De plus, certains industriels, dans la viande et d’autres secteurs, ont exercé leur pouvoir de marché face à leurs fournisseurs.

Une crise alimentaire

La crise sanitaire se double d’une crise alimentaire qui menace de s’amplifier. Celle-ci n’est pas due à un déficit de production agricole mais, pour l’essentiel, à un accroissement de la pauvreté et aux ruptures des chaînes d’approvisionnement. Alors qu’une faim chronique, d’intensité variable, frappe 11 % de la population mondiale, plus de 135 millions de personnes, dans 55 pays, étaient confrontées en 2019 à une situation d’insécurité alimentaire « grave et aiguë », selon les critères des organisations internationales. Un autre contingent de 183 millions, adultes et enfants, était considéré en situation de « stress » : ce sont eux qui risquent de basculer dans une insécurité alimentaire maximale à cause de la pandémie de Covid-19.  

Les pays en développement ne sont pas les seuls touchés. Dans beaucoup de villes d’Amérique du Nord et d’Europe, les banques alimentaires doivent gérer un afflux de nouveaux pauvres, tandis que les excédents de nourriture s’accumulent ou se gâtent. Les acteurs des filières et les Etats s’organisent, tant bien que mal, pour trouver des solutions. Ce sera l’objet de nos prochaines chroniques.

* Jean-Christophe Debar est directeur de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde (FARM).

15/01/2020
Message du Président pour 2020

Madame, Monsieur,

En cette période où l’on échange de bons vœux pour la nouvelle année, j’ai une pensée particulière pour les agriculteurs australiens qui, comme beaucoup de leurs compatriotes, sont confrontés depuis quatre mois à l’une des pires manifestations du changement climatique : ces incendies gigantesques qui laissent nombre d’entre eux totalement démunis après avoir perdu leur maison, leur capital d’exploitation et leurs cultures.

Si la géographie de cette région du monde explique certaines caractéristiques de cet événement catastrophique, celui-ci nous rappelle que tous les continents et toutes les agricultures sont concernés par l’évolution du climat (1). Nous en avons encore débattu au cours du VIème Congrès mondial de finance agricole et rurale, les 12 et 13 novembre 2019, co-organisé avec nos amis de l’APRACA (Association Asie-Pacifique de Crédit Agricole et Rural) et de la grande banque indienne NABARD. Qu’ils soient d’ailleurs une nouvelle fois remerciés pour la chaleur et la qualité de leur accueil et de leur organisation.

Cette question du climat, ainsi que d’autres touchant à l’avenir de nos agricultures, sera certainement toujours au cœur de notre prochain Congrès, les 22 et 23 octobre 2020, à Rabat, à l’invitation de nos amis du Crédit Agricole du Maroc. Mais ce Congrès sera l’occasion, aussi, de prendre connaissance des mutations formidables réalisées par le Maroc sur le plan économique, social et agricole. Il nous permettra d’éclairer le rôle et l’évolution de ce grand pays, ouvert sur l’Atlantique et la Méditerranée, carrefour d’échanges toujours plus importants avec l’Afrique subsaharienne et l’Europe.

Dans l’attente de vous y retrouver, permettez-moi, avec les membres du Bureau exécutif et le Secrétariat Général de la CICA, de vous souhaiter, à vous, à votre famille et à votre entreprise, une bonne et heureuse année 2020.

Jean-Marie Sander, Président de la CICA

Ce message de début d’année est l’occasion pour moi de rappeler les travaux importants que notre association a consacrés à la question majeure de l’assurance climatique agricole lors des congrès de Berne en 2018 et de New-Delhi en 2019. Ils sont à votre disposition sur le site de la CICA, en particulier sous la forme d’un Livre Blanc publié au mois de novembre 2019. Un exemplaire papier peut-être obtenu sur demande adressée au secrétariat de la CICA (gratuit pour les adhérents).

Les 23 contributions de ce Livre Blanc éclairent les enjeux de l’assurance agricole grâce aux analyses des meilleurs experts et aux témoignages de ses acteurs dans toutes les parties du monde. Réunies dans cet ouvrage, elles se veulent une contribution aux Objectifs de Développement Durable des Nations-Unies en faveur d’une agriculture plus résiliente et mieux protégée face aux aléas climatiques.